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livre ne m’inspirait d’ailleurs tant de sympathie, — laissez-moi tout vous dire.

Qu’est-ce que le progrès indéfini ! Qu’est-ce qu’une société qui n’est pas aristocratique ! Ce n’est pas une société, ce me semble. Qu’est-ce que c’est que l’homme naturellement bon ? Où l’a-t-on connu ? L’homme naturellement bon serait un monstre, je veux dire un Dieu. — Enfin, vous devinez quel est l’ordre d’idées qui me scandalise, je veux dire qui scandalise la raison écrite depuis le commencement sur la surface même de la terre. — Pur quichottisme d’une belle âme.

Et un homme comme vous ! lâcher en passant, comme un simple rédacteur du Siècle des injures à de Maistre, le grand génie de notre temps, — un voyant ! — Et enfin des allures de conversation et des mots d’argot qui abîment toujours un beau livre.

Une idée me préoccupe depuis le commencement de ce livre, — c’est que vous êtes un vrai esprit égaré dans une secte. En somme, — qu’est-ce que vous devez à Fourier ? Rien, ou bien peu de chose. — Sans Fourier, vous eussiez été ce que vous êtes. L’homme raisonnable n’a pas attendu que Fourier vînt sur la terre pour comprendre que la nature est un verbe, une allégorie, un moule, un repoussé, si vous voulez. Nous savons cela, et ce n’est pas par Fourier que nous le savons, — nous le savons par nous-mêmes, et par les poètes.

Toutes les hérésies auxquelles je faisais allusion tout à l’heure ne sont après tout que la consé-