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ment si vous pensez comme moi, — j’ai présumé, dis-je, que M. Rouvière pourrait trouver dans ce personnage de Diderot, écrit par Diderot (Hardouin), personnage où la sensibilité est unie à l’ironie et au cynisme le plus bizarre, un développement tout nouveau pour son talent.

Tous les personnages (ceci est une curiosité) sont vrais. M. Poultier, le commis à la marine, est mort très tard ; j’ai connu quelqu’un qui l’a connu.

Les femmes sont nombreuses, toutes amusantes, et toutes charmantes.

Cet ouvrage est, à proprement parler, le seul ouvrage très dramatique de Diderot. Le Fils naturel et Le Père de famille ne peuvent pas lui être comparés.

Quant aux retouches, — je désire que votre sentiment s’accorde avec le mien, — je crois qu’elles peuvent être très rares et n’avoir trait qu’à des expressions vieillies, à des habitudes d’ancienne jurisprudence, etc., etc… En d’autres termes, je crois qu’il serait peut-être bon de commettre, en faveur du public moderne, quelques innocents anachronismes.

Et maintenant permettez-moi, Monsieur, de profiter de l’occasion pour vous avouer que, depuis longtemps, je rêve à un drame aussi terrible et aussi singulier qu’on peut le désirer, et que, dans les rares moments où je puis y travailler, j’ai toujours devant les yeux l’image de votre étrange acteur. Il s’agit d’un drame sur l’ivrognerie. Ai-je