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326 CHARLES BAUDELAIRE

qui ai toujours dit qu’il ne suffisait pas d’être savant, mais qu’il fallait surtout être aimable.

Quant à ce que vous appelez mon Kamtchatka ^ si je recevais souvent des encouragements aussi vigoureux que celui-cijje crois que j’aurais la force d’en faire une immense Sibérie, mais une chaude et peuplée. Quand je vois votre activité, votre vita- lité, je suis tout honteux ; heureusement, j’ai des soubresauts et des crises dans le caractère qui rem- placent, quoique très insuffisamment, l’action d’une volonté continue.

Faut-il maintenant que moi, l’amoureux incorri- gible des Rayons jaunes et de Volupté, du Sainte- Beuve poète et romancier, je complimente le jour- naliste ? Comment faites-vous pour arriver à cette certitude de plume qui vous permet de tout dire et de vous faire un jeu de toute difficulté ? Cet article n’est pas un pamphlet, puisque c’est une justice. Une chose m’a frappé, c’est que j’ai retrouvé là toute votre éloquence de conversation, avec son bon sens et ses pétulances.

(Vraiment, j’aurais voulu y collaborer un peu, — pardonnez cet orgueil ; — j’aurais pu vous faire don de deux ou trois énormités que vous avez omises par ignorance. Dans une bonne causerie, je vous conterai cela.)

Ah ! et votre utopie ! le grand moyen de chasser des élections le vague, si cher aux grands seigneurs ! Votre utopie m’a donné un nouvel orgueil. Moi aussi, je l’avais faite, l’utopie, la réforme ; — est-ce un vieux fond d’esprit révolutionnaire qui m’y poussait.