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recherche ; donc, vous n’avez pas le droit de troubler notre plaisir par des heurts et des cahots. — Or, à la fin de ce sonnet, il y a cette phrase (que je traduis en prose) : Il faut que, dans un autre monde, tu aies commis un bien grand péché d’orgueil, pour que Dieu te condamne ici à, etc… Le pour est esquivé dans la traduction poétique. Il est possible que ce ne soit pas une faute de français, rigoureusement parlant, mais c’est d’un français que M. Soulary, qui ne peut pas être gêné par la mesure, ne doit pas se permettre.

Parce que je lis si soigneusement, vous ne m’en voulez pas, n’est-ce pas ? J’aurais d’ailleurs tant de choses flatteuses à vous dire. Vous savez imiter les élans de l’âme, la musique de la méditation ; vous aimes l’ordre ; vous dramatisez le sonnet, et vous lui donnez un dénouement ; vous connaissez la puissance de la réticence, etc… Toutes ces belles facultés vous feront estimer de tous ceux qui savent méditer ou rêver ; mais, puisque vous semblez désirer que j’use avec vous d’une franchise absolue, je vous dirai que vous devez (comme moi) faire votre deuil de la popularité. Mauvaise expression, puisqu’on ne peut être veuf que de ce qu’on a possédé. Il est vrai que, pour NOUS consoler, nous pouvons dire avec certitude que tous les grands hommes sont bêtes ; tous les hommes représentatifs, ou représentants de multitudes. C’est une punition que Dieu leur inflige. Nous ne sommes, ni vous ni moi, assez bêtes pour mériter le suffrage universel. Il y deux autres hommes, admirable-