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mis en lumière le troisième volume (Arthur Gordon Pym), un roman admirable. En dernier lieu, Le Moniteur a imprimé un article merveilleux de M. Edouard Thierry sur un livre de moi actuellement incriminé : Les Fleurs du Mal. M. Edouard Thierry, avec une prudence vraiment louable, a fait bien comprendre que ce livre ne s’adressait qu’à un petit nombre de lecteurs ; il ne l’a loué que pour les qualités littéraires qu’il a bien voulu y reconnaître, et il a merveilleusement conclu en disant que le désespoir et la tristesse étaient l’unique mais suffisante moralité du livre en question.

Que ne vous dois-je pas, Monsieur le Ministre ? Je vous dois plus encore que toutes ces inférieures satisfactions de la vanité littéraire. J’ai longtemps hésité à vous remercier, parce que je ne savais comment m’y prendre. Peut-être M. Pelletier vous a-t-il dit que Madame Aupick, que son mari laissait sans aucune fortune, m’avait, avant de quitter Paris, parlé de la part que Votre Excellence avait prise à la discussion du Conseil d’État. C’est sous mes yeux que ma mère vous a adressé une lettre particulière de remerciements, à laquelle je n’ai pas osé m’associer, par une absurde timidité. Je saisis aujourd’hui l’occasion de vous témoigner ma gratitude pour ce grand service vraiment personnel.

J’avais hier l’intention d’adresser une espèce de plaidoirie secrète à M. le garde des sceaux, mais j’ai pensé qu’une pareille démarche impliquait presque un aveu de culpabilité, et je ne me sens pas du tout coupable. Je suis au contraire très fier d’a-