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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


Voici cette première version dont le texte est conforme à celui d’une pièce autographe appartenant à M. Fernand Vandérem :

A MON TRÈS CHER ET TRES VÉNÉrÉ MAITRE ET AMI,
THÉOPHILE GAUTIER.

Bien que je te prie de servir de parrain aux Fleurs du Mal, ne crois pas que je sois assez perdu, assez indigne du nom de poëte pour m’imaginer que ces fleurs maladives méritent ton noble patronage. Je sais que dans les régions éthérées de la véritable Poésie, le Mal n’est pas, non plus que le Bien, et que ce misérable dictionnaire de mélancolie et de crime peut légitimer les réactions de la morale, comme le blasphémateur confirme la Religion. Mais j’ai voulu, autant qu’il était en moi, en espérant mieux peut-être, rendre un hommage profond à l’auteur d’Alhertus, de La Comédie de la Mort et d’Espana, au poëte impeccable, au magicien-es-langue française, dont je me déclare, avec autant d’orgueil que d’humilité, le plus dévoué, le plus respectueux et le plus jaloux des disciples.

Charles Baudelaire.

Mais Théophile Gautier repoussa ce texte : « Le magicien… m’a très bien expliqué qu’une dédicace ne devait pas être une profession de foi, laquelle avait d’ailleurs pour défaut d’attirer les yeux sur le côté scabreux du volume et de le dénoncer. » (Lettre à Poulet-Malassis, 9 mars 1857.)

Le second texte fut lui-même l’objet de quelques difficultés entre l’auteur et l’éditeur. Baudelaire avait d’abord déclaré s’en rapporter au bon goût de Poulet-Malassis pour l’établir typographiquement. Mais il se ravisa, quand l’épreuve lui fut soumise :

Il me semble d’abord qu’il vaudrait mieux baisser un peu toute la dédicace, de manière qu’elle se trouvât au milieu de la page ; je laisse d’ailleurs cela à votre goût. — Ensuite, je crois qu’il serait bien de mettre Fleurs en italiques, — en capitales penchées, puisque c’est un titre —calembour. Enfin, bien que chacune de ces lettres et de ces lignes soient dans de bonnes proportions (chacune relativement aux autres), je les trouve toutes trop grosses ; je crois que l’ensemble gagnerait en élégance, si vous preniez un œil plus petit pour chaque ligne, toujours en gardant l’importance proportionnelle. Le C. B. seul me paraît un peu petit. (Exemplaire d’épreuves, inédit.)

Un second essai ne fut pas plus heureux. Baudelaire fit de nouvelles objections. Et la première tout au moins était des plus fondées, car « Au parfait magicien es —langue française », texte conservé dans la 1re édition, ne constitue rien de moins qu’une grosse faute syntaxique,