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apparence qu’il fut simplement tiré des papiers de celui-ci, comme l’a supposé M. Van Bever. — Le Calumet de Paix ne constitue qu’une adaptation qui, elle non plus, n’a rien avoir avec le cadre des Fleurs. Cela est tellement évident qu’il n’y a pas à y insister. — Quant à La Lune offensée, qu’on veuille bien en relire le tercet final, pour en rapprocher ensuite le vers 7. Pour peu qu’on sache quelque chose des raisons qui avaient si longtemps tenu le poète et sa mère divisés, il est clair qu’on sera tenté d’attribuer une signification autobiographique à cette pièce, et alors quel cruel reproche ne trouvera-t-on pas dans l’apostrophe qui la termine ! Or c’est là certainement une réflexion que dut se faire Baudelaire, qui avait horreur d’introduire le public dans l’intimité de sa vie. On peut donc admettre qu’après avoir écrit cette poésie dans une heure d’exaspération , il aurait résolu de la retrancher de son œuvre, mais que Banville et Asselineau, qui la jugeaient à juste titre digne de prendre place dans les Fleurs, et qui ne connaissaient pas les motifs secrets de l’auteur, l’y auraient rétablie. — Explication bien aventureuse, dira-t-on ? Nous ne le contestons point. Nous demandons toutefois qu’avant de hausser simplement les épaules, on veuille bien prendre garde à certaines coïncidences que révèlent soit la chronologie des Fleurs, soit les lettres récemment publiées de Mme Aupick à Charles Asselineau[1].

La Lune offensée paraît dans L’Artiste du 1er mars 1862, soit quatre ans avant que Baudelaire ne tombe malade. Cependant il ne réimprimera jamais ce sonnet, ce qu’il n’a fait que bien rarement pour ses derniers vers, comme le montre le tableau que nous avons établi tout à l’heure. Le poète mort, La Lune offensée ne se rencontre pas dans l’exemplaire avec pièces intercalaires qu’il avait préparé en vue de la 3° édition, il faut le croire du moins, puisque nous voyons Asselineau prier Mme Aupick, à qui son fils envoyait ses vers au fur et à mesure qu’ils paraissaient, de rechercher le numéro de L’Artiste du 1er mars 1862. Mme Aupick s’empresse de satisfaire à la demande d’Assclincau, mais elle a beau fouiller les armoires de la « Maison-Joujou », elle


  1. Voir l’article précité du Mercure de France, 16 septembre 1912.