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LES FLEURS DU MAL.


XX

UNE GRAVURE FANTASTIQUE.


Ce spectre singulier n’a pour toute toilette,
Grotesquement campé sur son front de squelette,
Qu’un diadème affreux sentant le carnaval.
Sans éperons, sans fouet, il essouffle un cheval
Fantôme comme lui, rosse apocalyptique,
Qui bave des naseaux comme un épileptique.
Au travers de l’espace ils s’enfoncent tous deux
Et foulent l’infini d’un sabot hasardeux.
Le cavalier promène un sabre qui flamboie
Sur les foules sans nom que sa monture broie,
Et parcourt, comme un prince inspectant sa maison.
Le cimetière immense et froid, sans horizon,
Où gisent, aux lueurs d’un soleil blanc et terni
Les peuples de l’histoire ancienne et moderne.