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LES FLEURS DU MAL.


LIV

L’IRRÉPARABLE.

I

Pouvons-nous étouffer le vieux, le long Remords,
     Qui vit, s’agite et se tortille,
Et se nourrit de nous comme le ver des morts,
     Comme du chêne la chenille ?
Pouvons-nous étouffer l’implacable Remords ?

Dans quel philtre, dans quel vin, dans quelle tisane,
     Noierons-nous ce vieil ennemi,
Destructeur et gourmand comme la courtisane,
     Patient comme la fourmi ?
Dans quel philtre ? — dans quel vin ? — dans quelle tisane ?

Dis-le, belle sorcière, oh ! dis, si tu le sais,
     À cet esprit comblé d’angoisse
Et pareil au mourant qu’écrasent les blessés,
     Que le sabot du cheval froisse.
Dis-le, belle sorcière, oh ! dis, si tu le sais,