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LES FLEURS DU MAL.


LII

LE BEAU NAVIRE.


Je veux te raconter, ô molle enchanteresse !
Les diverses beautés qui parent ta jeunesse ;
     Je veux te peindre ta beauté,
Où l’enfance s’allie à la maturité.

Quand tu vas balayant l’air de ta jupe large,
Tu fais l’effet d’un beau vaisseau qui prend le large,
     Chargé de toile, et va roulant
Suivant un rhythme doux, et paresseux, et lent.

Sur ton cou large et rond, sur tes épaules grasses,
Ta tête se pavane avec d’étranges grâces ;
     D’un air placide et triomphant
Tu passes ton chemin, majestueuse enfant.

Je veux te raconter, ô molle enchanteresse !
Les diverses beautés qui parent ta jeunesse ;
     Je veux te peindre ta beauté,
Où l’enfance s’allie à la maturité.

Ta gorge qui s’avance et qui pousse la moire,
Ta gorge triomphante est une belle armoire