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par l’opinion, a, comme j’essayais de l’insinuer, un charme paradoxal. Plus libre, parce qu’il est seul comme un traînard, il a l’air de celui qui résume les débats, et, contraint d’éviter les véhémences de l’accusation et de la défense, il a ordre de se frayer une voie nouvelle, sans autre excitation que celle de l’amour du Beau et de la Justice.




II


Puisque j’ai prononcé ce mot splendide et terrible, la Justice, qu’il me soit permis, — comme aussi bien cela m’est agréable, — de remercier la magistrature française de l’éclatant exemple d’impartialité et de bon goût qu’elle a donné dans cette circonstance. Sollicitée par un zèle aveugle et trop véhément pour la morale, par un esprit qui se trompait de terrain, — placée en face d’un roman, œuvre d’un écrivain inconnu la veille, — un roman, et quel roman ! le plus impartial, le plus loyal, — un champ, banal comme tous les champs, flagellé, trempé, comme la nature elle-même, par tous les vents et tous les orages, — la magistrature, dis-je, s’est montrée loyale et impartiale comme le livre qui était poussé devant elle en holocauste. Et mieux encore, disons, s’il est permis de conjecturer d’après les considérations qui accompagnèrent le jugement, que si les magistrats avaient découvert quelque