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Écrit dans sa langue immortelle
Le mot que notre bouche épèle,
Le nom infini de l’amour !
       Ô mon amante !
       Ô mon désir !
       Sachons cueillir
       L’heure charmante !


Grâce à une opération d’esprit toute particulière aux amoureux quand ils sont poëtes, ou aux poëtes quand ils sont amoureux, la femme s’embellit de toutes les grâces du paysage, et le paysage profite occasionnellement des grâces que la femme aimée verse à son insu sur le ciel, sur la terre et sur les flots. C’est encore un de ces traits fréquents qui caractérisent la manière de Pierre Dupont, quand il se jette avec confiance dans les milieux qui lui sont favorables et quand il s’abandonne, sans préoccupation des choses qu’il ne peut pas dire vraiment siennes, au libre développement de sa nature.

J’aurais voulu m’étendre plus longuement sur les qualités de Pierre Dupont, qui, malgré un penchant trop vif vers les catégories et les divisions didactiques, — lesquelles ne sont souvent, en poésie, qu’un signe de paresse, le développement lyrique naturel devant contenir tout l’élément didactique et descriptif suffisant, — malgré de nombreuses négligences de langage et un lâché dans la forme vraiment inconcevables, est et restera un de nos plus précieux poëtes. J’ai entendu dire à beaucoup de personnes, fort compétentes d’ailleurs, que le fini, le précieux, la perfection enfin, les rebutaient et les empêchaient d’avoir, pour ainsi dire, confiance