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… Ces trompes, ces cymbales,
Qui soûlent de leurs sons le plus morne soldat,
Et le jettent, joyeux, sous la grêle des balles,
Lui versant dans le cœur la rage du combat[1].


Pierre Dupont est une âme tendre, portée à l’utopie, et en cela même vraiment bucolique. Tout en lui tourne à l’amour, et la guerre, comme il la conçoit, n’est qu’une manière de préparer l’universelle réconciliation :

Le glaive brisera le glaive,
Et du combat naîtra l’amour !


L’amour est plus fort que la guerre, dit-il encore dans le Chant des Ouvriers.

il y a dans son esprit une certaine force qui implique toujours la beauté ; et sa nature, peu propre à se résigner aux lois éternelles de la destruction, ne veut accepter que les idées consolantes où elle peut trouver des éléments qui lui soient analogues. L’instinct (un instinct fort noble que le sien !) domine en lui la faculté du raisonnement. Le maniement des abstractions lui répugne, et il partage avec les femmes ce singulier privilége que toutes ses qualités poétiques comme ses défauts lui viennent du sentiment.

C’est à cette grâce, à cette tendresse féminine, que Pierre Dupont est redevable de ses premiers chants. Par grand bonheur, l’activité révolutionnaire, qui emportait à cette époque presque tous les esprits, n’avait

  1. Pétrus Borel. Préface en vers de Madame Putiphar.