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pas d’un goût fini et parfait ; mais il a l’instinct, sinon le sentiment raisonné de la beauté parfaite. En voici bien un exemple : quoi de plus commun, de plus trivial que le regard de la pauvreté jeté sur la richesse, sa voisine ? mais ici le sentiment se complique d’orgueil poétique, de volupté entrevue dont on se sent digne ; c’est un véritable trait de génie. Quel long soupir ! quelle aspiration ! Nous aussi, nous comprenons la beauté des palais et des parcs ! Nous aussi, nous devinons l’art d’être heureux !

Ce chant était-il un de ces atomes volatils qui flottent dans l’air et dont l’agglomération devient orage, tempête, événement ? Était-ce un de ces symptômes précurseurs tels que les hommes clairvoyants les virent alors en assez grand nombre dans l’atmosphère intellectuelle de la France ? Je ne sais ; toujours est-il que peu de temps, très-peu de temps après, cet hymne retentissant s’adaptait admirablement à une révolution générale dans la politique et dans les applications de la politique. Il devenait, presque immédiatement, le cri de ralliement des classes déshéritées.

Le mouvement de cette révolution a emporté jour à jour l’esprit du poëte. Tous les événements ont fait écho dans ses vers. Mais je dois faire observer que si l’instrument de Pierre Dupont est d’une nature plus noble que celui de Béranger, ce n’est cependant pas un de ces clairons guerriers comme les nations en veulent entendre dans la minute qui précède les grandes batailles. Il ne ressemble pas à