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Mais Théodore de Banville refuse de se pencher sur ces marécages de sang, sur ces abîmes de boue. Comme l’art antique, il n’exprime que ce qui est beau, joyeux, noble, grand, rhythmique. Aussi, dans ses œuvres, vous n’entendrez pas les dissonances, les discordances des musiques du sabbat, non plus que les glapissements de l’ironie, cette vengeance du vaincu. Dans ses vers, tout a un air de fête et d’innocence, même la volupté. Sa poésie n’est pas seulement un regret, une nostalgie, elle est même un retour très-volontaire vers l’état paradisiaque. À ce point de vue, nous pouvons donc le considérer comme un original de la nature la plus courageuse. En pleine atmosphère satanique ou romantique, au milieu d’un concert d’imprécations, il a l’audace de chanter la bonté des dieux et d’être un parfait classique. Je veux que ce mot soit entendu ici dans le sens le plus noble, dans le sens vraiment historique.