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et dont la pensée se coule d’elle-même dans un rhythme.

Celles de ses qualités qui se montraient le plus vivement à l’l étaient l’abondance et l’éclat ; mais les nombreuses et involontaires imitations, la variété même du ton, selon que le jeune poëte subissait l’influence de tel ou de tel de ses prédécesseurs, ne servirent pas peu à détourner l’esprit du lecteur de la faculté principale de l’auteur, de celle qui devait plus tard être sa grande originalité, sa gloire, sa marque de fabrique, je veux parler de la certitude dans l’expression lyrique. Je ne nie pas, remarquez-le bien, que les Cariatides ne contiennent quelques-uns de ces admirables morceaux que le poëte pourrait être fier de signer même aujourd’hui ; je veux seulement noter que l’ensemble de l’œuvre, avec son éclat et sa variété, ne révélait pas d’emblée la nature particulière de l’auteur, soit que cette nature ne fût pas encore assez faite, soit que le poëte fût encore placé sous le charme fascinateur de tous les poëtes de la grande époque.

Mais dans les Stalactites (1843-1845) la pensée apparaît plus claire et plus définie ; l’objet de la recherche se fait mieux deviner. La couleur, moins prodiguée, brille cependant d’une lumière plus vive, et le contour de chaque objet découpe une silhouette plus arrêtée. Les Stalactites forment, dans le grandissement du poëte, une phase particulière où l’on dirait qu’il a voulu réagir contre sa primitive faculté d’expansion, trop prodigue, trop indisciplinée. Plusieurs des meilleurs mor-