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chose aussi impalpable, aussi gazéiforme que l’honneur. Tout au plus sont-ils bons à l’enterrer.

Quelles sont les raisons mystérieuses de cette expulsion ? Le succès gênerait-il les opérations futures du directeur ? D’inintelligibles considérations officielles auraient-elles forcé sa bonne volonté, violenté ses intérêts ? Ou bien faut-il supposer quelque chose de monstrueux, c’est-à-dire qu’un directeur peut feindre, pour se faire valoir, de désirer de bons drames, et, ayant enfin atteint son but, retourne bien vite à son véritable goût, qui est celui des imbéciles, évidemment le plus productif ? Ce qui est encore plus inexplicable, c’est la faiblesse des critiques (dont quelques-uns sont poëtes), qui caressent leur principal ennemi, et qui, si parfois, dans un accès de bravoure passagère, ils blâment son mercantilisme, n’en persistent pas moins, en une foule de cas, à encourager son commerce par toutes les complaisances.




Pendant tout ce tumulte et devant les déplorables facéties du feuilleton, dont je rougissais, comme un homme délicat d’une saleté commise devant lui, une idée cruelle m’obsédait. Je me souviens que, malgré que j’aie toujours soigneusement étouffé dans mon cœur ce patriotisme exagéré dont les fumées peuvent obscurcir le cerveau, il m’est arrivé, sur des plages