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nage de Wolfram. Mais que dirons-nous de M. Niemann, de ses faiblesses, de ses pâmoisons, de ses mauvaises humeurs d’enfant gâté, nous qui avons assisté à des tempêtes théâtrales, où des hommes tels que Frédérick et Rouvière, et Bignon lui-même, quoique moins autorisé par la célébrité, bravaient ouvertement l’erreur du public, jouaient avec d’autant plus de zèle qu’il se montrait plus injuste, et faisaient constamment cause commune avec l’auteur ? — Enfin, la question du ballet, élevée à la hauteur d’une question vitale et agitée pendant plusieurs mois, n’a pas peu contribué à l’émeute. « Un opéra sans ballet ! qu’est-ce que cela ? » disait la routine. « Qu’est-ce que cela ? » disaient les entreteneurs de filles. « Prenez garde ! » disait lui-même à l’auteur le ministre alarmé. On a fait manœuvrer sur la scène, en manière de consolation, des régiments prussiens en jupes courtes, avec les gestes mécaniques d’une école militaire ; et une partie du public disait, voyant toutes ces jambes et illusionné par une mauvaise mise en scène : « Voilà un mauvais ballet et une musique qui n’est pas faite pour la danse. » Le bon sens répondait : « Ce n’est pas un ballet ; mais ce devrait être une bacchanale, une orgie, comme l’indique la musique, et comme ont su quelquefois en représenter la Porte-Saint-Martin, l’Ambigu, l’Odéon, et même des théâtres inférieurs, mais comme n’en peut pas figurer l’Opéra, qui ne sait rien faire du tout. » Ainsi, ce n’est pas une raison littéraire, mais simplement l’inhabileté des machinistes, qui a nécessité la