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des phrases, celle, par exemple, de la première scène du second acte, qui traversent l’opéra comme un serpent venimeux, s’enroulant autour des victimes et fuyant devant leurs saints défenseurs ; il en est, comme celle de l’introduction, qui ne reviennent que rarement, avec les suprêmes et divines révélations. Les situations ou les personnages de quelque importance sont tous musicalement exprimés par une mélodie qui en devient le constant symbole. Or, comme ces mélodies sont d’une rare beauté, nous dirons à ceux qui, dans l’examen d’une partition, se bornent à juger des rapports de croches et doubles croches entre elles, que même si la musique de cet opéra devait être privée de son beau texte, elle serait encore une production de premier ordre. »

En effet, sans poésie, la musique de Wagner serait encore une œuvre poétique, étant douée de toutes les qualités qui constituent une poésie bien faite ; explicative par elle-même, tant toutes choses y sont bien unies, conjointes, réciproquement adaptées, et, s’il est permis de faire un barbarisme pour exprimer le superlatif d’une qualité, prudemment concaténées.

Le Vaisseau fantôme, ou le Hollandais volant, est l’histoire si populaire de ce Juif errant de l’Océan, pour qui cependant une condition de rédemption a été obtenue par un ange secourable : Si le capitaine, qui mettra pied à terre tous les sept ans, y rencontre une femme fidèle, il sera sauvé. L’infortuné, repoussé par la tempête à chaque fois qu’il voulait doubler un cap dangereux,