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lestes hauteurs. Elle a laissé le Saint-Graal à la garde des hommes purs, dans le cœur desquels la divine liqueur s’est répandue, et l’auguste troupe s’évanouit dans les profondeurs de l’espace, de la même manière qu’elle en était sortie. »

Le lecteur comprendra tout à l’heure pourquoi je souligne ces passages. Je prends maintenant le livre de Liszt, et je l’ouvre à la page où l’imagination de l’illustre pianiste (qui est un artiste et un philosophe) traduit à sa manière le même morceau :

« Cette introduction renferme et révèle l’élément mystique, toujours présent et toujours caché dans la pièce… Pour nous apprendre l’inénarrable puissance de ce secret, Wagner nous montre d’abord la beauté ineffable du sanctuaire, habité par un Dieu qui venge les opprimés et ne demande qu’amour et foi à ses fidèles. Il nous initie au Saint-Graal ; il fait miroiter à nos yeux le temple de bois incorruptible, aux murs odorants, aux portes d’or, aux solives d’asbeste, aux colonnes d’opale, aux parois de cymophane, dont les splendides portiques ne sont approchés que de ceux qui ont le cœur élevé et les mains pures. Il ne nous le fait point apercevoir dans son imposante et réelle structure, mais, comme ménageant nos faibles sens, il nous le montre d’abord reflété dans quelque onde azurée ou reproduit par quelque nuage irisé.

C’est au commencement une large nappe dormante de mélodie, un éther vaporeux qui s’étend, pour que le tableau sacré s’y dessine nos yeux profanes ; effet