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la solitude ; comme les pourceaux dans le lac de Génézareth, allez vous replonger dans les forêts enchantées d’où vous tirèrent les fées ennemies, moutons attaqués du vertigo romantique. Le génie de l’action ne vous laisse plus de place parmi nous.

Quand je parcours l’œuvre de Dupont, je sens toujours revenir dans ma mémoire, sans doute à cause de quelque secrète affinité, ce sublime mouvement de Proudhon, plein de tendresse et d’enthousiasme : il entend fredonner la chanson lyonnaise,

Allons, du courage,
Braves ouvriers !
Du cœur à l’ouvrage !
Soyons les premiers.

et il s’écrie :

« Allez donc au travail en chantant, race prédestinée, votre refrain est plus beau que celui de Rouget de Lisle[1]. »

Ce sera l’éternel honneur de Pierre Dupont d’avoir le premier enfoncé la porte. La hache à la main, il a coupé les chaînes du pont-levis de la forteresse ; maintenant la poésie populaire peut passer.

De grandes imprécations, des soupirs profonds d’espérance, des cris d’encouragement infini commencent à soulever les poitrines. Tout cela deviendra livre, poésie et chant, en dépit de toutes les résistances.

  1. Avertissement aux propriétaires.