Page:Baudelaire - L'Art romantique 1869.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.

très-rapide, c’est pour que rien ne se perde de l’impression extraordinaire qui accompagnait la conception ; que l’attention de l’artiste se porte même sur la propreté matérielle des outils, cela se conçoit sans peine, toutes les précautions devant être prises pour rendre l’exécution agile et décisive. »

Pour le dire en passant, je n’ai jamais vu de palette aussi minutieusement et aussi délicatement préparée que celle de Delacroix. Cela ressemblait à un bouquet de fleurs savamment assorties.

« Dans une pareille méthode, qui est essentiellement logique, tous les personnages, leur disposition relative, le paysage ou l’intérieur qui leur sert de fond ou d’horizon, leurs vêtements, tout enfin doit servir à illuminer l’idée générale et porter sa couleur originelle, sa livrée, pour ainsi dire. Comme un rêve est placé dans une atmosphère colorée qui lui est propre, de même une conception, devenue composition, a besoin de se mouvoir dans un milieu coloré qui lui soit particulier. Il y a évidemment un ton particulier attribué à une partie quelconque du tableau qui devient clef et qui gouverne les autres. Tout le monde sait que le jaune, l’orange, le rouge, inspirent et représentent des idées de joie, de richesse, de gloire et d’amour ; mais il y a des milliers d’atmosphères jaunes ou rouges, et toutes les autres couleurs seront affectées logiquement dans une quantité proportionnelle par l’atmosphère dominante. L’art du coloriste tient évidemment par de certains côtés aux mathématiques et à la musique.