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les beautés secrètes de l’épouse ; donc Candaule est coupable, il mourra. Gygès est désormais le seul époux possible pour une reine si jalouse d’elle-même. Mais Candaule n’a-t-il pas une excuse puissante ? n’est-il pas victime d’un sentiment aussi impérieux que bizarre, victime de l’impossibilité pour l’homme nerveux et artiste de porter, sans confident, le poids d’un immense bonheur ? Certainement, cette interprétation de l’histoire, cette analyse des sentiments qui ont engendré les faits, est bien supérieure à la fable de Platon, qui fait simplement de Gygès un berger, possesseur d’un talisman à l’aide duquel il lui devient facile de séduire l’épouse de son roi.

Ainsi va, dans son allure variée, cette muse bizarre, aux toilettes multiples, muse cosmopolite douée de la souplesse d’Alcibiade ; quelquefois le front ceint de la mitre orientale, l’air grand et sacré, les bandelettes au vent ; d’autres fois, se pavanant comme une reine de Saba en goguette, son petit parasol de cuivre à la main, sur l’éléphant de porcelaine qui décore les cheminées du siècle galant. Mais ce qu’elle aime surtout, c’est, debout sur les rivages parfumés de la mer Intérieure, nous raconter avec sa parole d’or « cette gloire qui fut la Grèce et cette grandeur qui fut Rome » ; et alors elle est bien « la vraie Psyché qui revient de la vraie Terre-Sainte ! »

Ce goût inné de la forme et de la perfection dans la forme devait nécessairement faire de Théophile Gautier un auteur critique tout à fait à part. Nul n’a