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parmi les artistes, beaucoup de personnes qui connaissent les si spirituelles, si légères et si mordantes planches dont Trimolet, de mélancolique mémoire, dotait, il y a quelques années, les almanachs comiques d’Aubert ?

On dirait cependant qu’il va se faire un retour vers l’eau-forte, ou, du moins, des efforts se font voir qui nous permettent de l’espérer. Les jeunes artistes dont je parlais tout à l’heure, ceux-là et plusieurs autres, se sont groupés autour d’un éditeur actif, M. Cadart, et ont appelé à leur tour leurs confrères, pour fonder une publication régulière d’eaux-fortes originales, — dont la première livraison, d’ailleurs, a déjà paru.

Il était naturel que ces artistes se tournassent surtout vers un genre et une méthode d’expression qui sont, dans leur pleine réussite, la traduction la plus nette possible du caractère de l’artiste, — une méthode expéditive, d’ailleurs, et peu coûteuse ; chose importante dans un temps où chacun considère le bon marché comme la qualité dominante, et ne voudrait pas payer à leur prix les lentes opérations du burin. Seulement, il y a un danger dans lequel tombera plus d’un ; je veux dire : le lâché, l’incorrection, l’indécision, l’exécution insuffisante. C’est, si commode de promener une aiguille sur cette planche noire qui reproduira trop fidèlement toutes les arabesques de la fantaisie, toutes les hachures du caprice ! Plusieurs même, je le devine, tireront vanité de leur audace (est-ce bien le mot ?), comme les gens débraillés qui croient faire