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— cette imagination vive et ample, sensible, audacieuse, sans laquelle, il faut bien le dire, toutes les meilleures facultés ne sont que des serviteurs sans maître, des agents sans gouvernement.

Il était naturel que, dans ce mouvement actif de rénovation, une part fût faite à la gravure. Dans quel discrédit et dans quelle indifférence est tombé ce noble art de la gravure, hélas ! on ne le voit que trop bien. Autrefois, quand était annoncée une planche reproduisant un tableau célèbre, les amateurs venaient s’inscrire à l’avance pour obtenir les premières épreuves. Ce n’est qu’en feuilletant les œuvres du passé que nous pouvons comprendre les splendeurs du burin. Mais il était un genre plus mort encore que le burin ; je veux parler de l’eau-forte. Pour dire le vrai, ce genre, si subtil et si superbe, si naïf et si profond, si gai et si sévère, qui peut réunir paradoxalement les qualités les plus diverses, et qui exprime si bien le caractère personnel de l’artiste, n’a jamais joui d’une bien grande popularité parmi le vulgaire. Sauf les estampes de Rembrandt, qui s’imposent avec une autorité classique même aux ignorants, et qui sont chose indiscutable, qui se soucie réellement de l’eau-forte ? qui connaît, excepté les collectionneurs, les différentes formes de perfection dans ce genre que nous ont laissées les âges précédents ? Le xviiie siècle abonde en charmantes eaux-fortes ; on les trouve pour dix sous dans des cartons poudreux, où souvent elles attendent bien longtemps une main familière. Existe-t-il aujourd’hui, même