Page:Baudelaire - Curiosités esthétiques 1868.djvu/99

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le spectateur et le tableau qu’entre le spectateur et la nature.

Les mensonges sont continuellement nécessaires, même pour arriver au trompe-l’œil.

L’harmonie est la base de la théorie de la couleur.

La mélodie est l’unité dans la couleur, ou la couleur générale.

La mélodie veut une conclusion ; c’est un ensemble où tous les effets concourent à un effet général.

Ainsi la mélodie laisse dans l’esprit un souvenir profond.

La plupart de nos jeunes coloristes manquent de mélodie.

La bonne manière de savoir si un tableau est mélodieux est de le regarder d’assez loin pour n’en comprendre ni le sujet si les lignes. S’il est mélodieux, il a déjà un sens, et il a déjà pris sa place dans le répertoire des souvenirs.

Le style et le sentiment dans la couleur viennent du choix, et le choix vient du tempérament.

Il y a des tons gais et folâtres, folâtres et tristes, riches et gais, riches et tristes, de communs et d’originaux.

Ainsi la couleur de Véronèse est calme et gaie. La couleur de Delacroix est souvent plaintive, et la couleur de M. Catlin souvent terrible.

J’ai eu longtemps devant ma fenêtre un cabaret mi-parti de vert et de rouge crus, qui étaient pour mes yeux une douleur délicieuse.