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C’est parce que quelques-uns l’ont placé dans la perfection du métier que nous avons eu le rococo du romantisme, le plus insupportable de tous sans contredit.

Il faut donc, avant tout, connaître les aspects de la nature et les situations de l’homme, que les artistes du passé ont dédaignés ou n’ont pas connus.

Qui dit romantisme dit art moderne, — c’est-à-dire intimité, spiritualité, couleur, aspiration vers l’infini, exprimées par tous les moyens que contiennent les arts.

Il suit de là qu’il y a une contradiction évidente entre le romantisme et les œuvres de ses principaux sectaires.

Que la couleur joue un rôle très-important dans l’art moderne, quoi d’étonnant ? Le romantisme est fils du Nord, et le Nord est coloriste ; les rêves et les féeries sont enfants de la brume. L’Angleterre, cette patrie des coloristes exaspérés, la Flandre, la moitié de la France, sont plongées dans les brouillards ; Venise elle-même trempe dans les lagunes. Quant aux peintres espagnols, ils sont plutôt contrastés que coloristes.

En revanche le Midi est naturaliste, car la nature y est si belle et si claire que l’homme, n’ayant rien à désirer, ne trouve rien de plus beau à inventer que ce qu’il voit : ici, l’art en plein air, et, quelques centaines de lieues plus haut, les rêves profonds de l’atelier et les regards de la fantaisie noyés dans les horizons gris.

Le Midi est brutal et positif comme un sculpteur dans ses compositions les plus délicates ; le Nord souf-