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froides, ces caricatures ne manquent pas de cruauté, mais elles manquent de comique ; pas d’expansion, pas d’abandon ; le grand artiste ne s’amusait pas en les dessinant, il les a faites en savant, en géomètre, en professeur d’histoire naturelle. Il n’a eu garde d’omettre la moindre verrue, le plus petit poil. Peut-être, en somme, n’avait-il pas la prétention de faire des caricatures. Il a cherché autour de lui des types de laideur excentriques, et il les a copiés.

Cependant, tel n’est pas, en général, le caractère italien. La plaisanterie en est basse, mais elle est franche. Les tableaux de Bassan qui représentent le carnaval de Venise nous en donnent une juste idée. Cette gaieté regorge de saucissons, de jambons et de macaroni. Une fois par an, le comique italien fait explosion au Corso et il y atteint les limites de la fureur. Tout le monde a de l’esprit, chacun devient artiste comique ; Marseille et Bordeaux pourraient peut-être nous donner des échantillons de ces tempéraments. — Il faut voir, dans la Princesse Brambilla, comme Hoffmann a bien compris le caractère italien, et comme les artistes allemands qui boivent au café Greco en parlent délicatement. Les artiste italiens sont plutôt bouffons que comiques. Ils manquent de profondeur, mais ils subissent tous la franche ivresse de la gaieté nationale. Matérialiste, comme est généralement le Midi, leur plaisanterie sent toujours la cuisine et le mauvais lieu. Au total, c’est un artiste français, c’est Callot qui, par la concentration d’esprit et la fermeté