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plein dans la grande ardeur patriotique de Juillet ; une idée lumineuse s’abattit dans son cerveau ; Mayeux fut créé, et pendant longtemps le turbulent Mayeux parla, cria, pérora, gesticula dans la mémoire du peuple parisien. Depuis lors on a reconnu que Mayeux existait, et l’on a cru que Traviès l’avait connu et copié. Il en a été ainsi de plusieurs autres créations populaires.

Depuis quelque temps Traviès a disparu de la scène, on ne sait trop pourquoi, car il y a aujourd’hui, comme toujours, de solides entreprises d’albums et de journaux comiques. C’est un malheur réel, car il est très-observateur, et, malgré ses hésitations et ses défaillances, son talent a quelque chose de sérieux et de tendre qui le rend singulièrement attachant.

Il est bon d’avertir les collectionneurs que, dans les caricatures relatives à Mayeux, les femmes qui, comme on sait, ont joué un grand rôle dans l’épopée de ce Ragotin galant et patriotique, ne sont pas de Traviès : elles sont de Philipon, qui avait l’idée excessivement comique et qui dessinait les femmes d’une manière séduisante, de sorte qu’il se réservait le plaisir de faire les femmes dans les Mayeux de Traviès, et qu’ainsi chaque dessin se trouvait doublé d’un style qui ne doublait vraiment pas l’intention comique.

Jacque, l’excellent artiste, à l’intelligence multiple, a été aussi occasionnellement un recommandable caricaturiste. En dehors de ses peintures et de ses gravures à l’eau-forte, où il s’est montré toujours grave et poétique, il a fait de fort bons dessins grotesques,