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poussent doucement vers l’étroit corridor. Derrière une porte, l’Homme se devine. Son profil est perdu, mais c’est bien lui ! Voilà le toupet et les favoris. Il attend, il est impatient !

Voici la Liberté traînée devant une cour prévôtale ou tout autre tribunal gothique : grande galerie de portraits actuels avec costumes anciens.

Voici la Liberté amenée dans la chambre des tourmenteurs. On va lui broyer ses chevilles délicates, on va lui ballonner le ventre avec des torrents d’eau, ou accomplir sur elle toute autre abomination. Ces athlètes aux bras nus, aux formes robustes, affamés de tortures, sont faciles à reconnaître. C’est M. un tel, M. un tel et M. un tel, — les bêtes noires de l’opinion[1].

Dans tous ces dessins, dont la plupart sont faits avec un sérieux et une conscience remarquables, le roi joue toujours un rôle d’ogre, d’assassin, de Gargantua inassouvi, pis encore quelquefois. Depuis la révolution de février, je n’ai vu qu’une seule caricature dont la férocité me rappelât le temps des grandes fureurs politiques ; car tous les plaidoyers politiques étalés aux carreaux, lors de la grande élection présidentielle, n’offraient que des choses pâles au prix des produits de l’époque dont je viens de parler. C’était peu après les malheureux massacres de Rouen. — Sur le premier plan, un cadavre, troué de balles, couché sur une ci-

  1. Je n'ai plus les pièces sous les yeux, il se pourrait que l'une de ces dernières fût de Traviès.