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chers petits anges qui feront de si jolis soldats, qui aiment tant les vieux militaires, et qui jouent à la guerre avec des sabres de bois. Toujours ronds et frais comme des pommes d’api, le cœur sur la main, l’œil clair et souriant à la nature. Mais les enfants terribles, mais le pâle voyou du grand poëte, à la voix rauque, au teint jaune comme un vieux sou, Charlet a le cœur trop pur pour voir ces choses-là.

Il avait quelquefois, il faut l’avouer, de bonnes intentions. — Dans une forêt, des brigands et leurs femmes mangent et se reposent auprès d’un chêne, où un pendu, déjà long et maigre, prend le frais de haut et respire la rosée, le nez incliné vers la terre et les pointes des pieds correctement alignées comme celles d’un danseur. Un des brigands dit en le montrant du doigt : Voilà peut-être comme nous serons dimanche !

Hélas ! il nous fournit peu de croquis de cette espèce. Encore si l’idée est bonne, le dessin est insuffisant ; les têtes n’ont pas un caractère bien écrit. Cela pourrait être beaucoup plus beau, et, à coup sûr, ne vaut pas les vers de Villon soupant avec ses camarades sous le gibet, dans la plaine ténébreuse.

Le dessin de Charlet n’est guère que du chic, toujours des ronds et des ovales. Les sentiments, il les prenait tout faits dans les vaudevilles. C’est un homme très-artificiel qui s’est mis à imiter les idées du temps. Il a décalqué l’opinion, il a découpé son intelligence sur la mode. Le public était vraiment son patron.

Il avait cependant fait une fois une assez bonne