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La caricature est double : le dessin et l’idée : le dessin violent, l’idée mordante et voilée ; complication d’éléments pénibles pour un esprit naïf, accoutumé à comprendre d’intuition des choses simples comme lui. Virginie a vu ; maintenant elle regarde. Pourquoi ? Elle regarde l’inconnu. Du reste, elle ne comprend guère ni ce que cela veut dire ni à quoi cela sert. Et pourtant, voyez-vous ce reploiement d’ailes subit, ce frémissement d’une âme qui se voile et veut se retirer ? L’ange a senti que le scandale était là. Et, en vérité, je vous le dis, qu’elle ait compris ou qu’elle n’ait pas compris, il lui restera de cette impression je ne sais quel malaise, quelque chose qui ressemble à la peur. Sans doute, que Virginie reste à Paris et que la science lui vienne, le rire lui viendra ; nous verrons pourquoi. Mais, pour le moment, nous, analyste et critique, qui n’oserions certes pas affirmer que notre intelligence est supérieure à celle de Virginie, constatons la crainte et la souffrance de l’ange immaculé devant la caricature.


III

Ce qui suffirait pour démontrer que le comique est un des plus clairs signes sataniques de l’homme et un des nombreux pepins contenus dans la pomme symbolique, est l’accord unanime des physiologistes du rire