Page:Baudelaire - Curiosités esthétiques 1868.djvu/361

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une idée toute mondaine, et la surprise n’y joue pas un rôle plus important qu’il n’est permis. Si jamais l’auteur consent à jeter cette conception dans le commerce, sous la forme d’un bronze de petite dimension, je puis, sans imprudence, lui prédire un immense succès.

Quant à l’autre idée, si charmante qu’elle soit, ma foi, je n’en répondrais pas ; d’autant moins que, pour être pleinement exprimée, elle a besoin de deux matières, l’une claire et terne pour exprimer le squelette, l’autre sombre et brillante pour rendre le vêtement, ce qui augmenterait naturellement l’horreur de l’idée et son impopularité. Hélas !

Les charmes de l’horreur n’enivrent que les forts !

Figurez-vous un grand squelette féminin tout prêt à partir pour une fête. Avec sa face aplatie de négresse, son sourire sans lèvre et sans gencive, et son regard qui n’est qu’un trou plein d’ombre, l’horrible chose qui fut une belle femme a l’air de chercher vaguement dans l’espace l’heure délicieuse du rendez-vous ou l’heure solennelle du sabbat inscrite au cadran invisible des siècles. Son buste, disséqué par le temps, s’élance coquettement de son corsage, comme de son cornet un bouquet desséché, et toute cette pensée funèbre se dresse sur le piédestal d’une fastueuse crinoline. Qu’il me soit permis, pour abréger, de citer un lambeau rimé dans lequel j’ai essayé non pas d’illus-