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partout avec elle l’idée de la sagesse et le goût de la folie. Voilà bien l’immortelle antithèse philosophique, la contradiction essentiellement humaine sur laquelle pivote depuis le commencement des âges toute philosophie et toute littérature, depuis les règnes tumultueux d’Ormuz et d’Ahrimane jusqu’au révérend Maturin, depuis Manès jusqu’à Shakspeare !… Mais un voisin que j’irrite veut bien m’avertir que je cherche midi à quatorze heures, et que cela représente simplement le cheval d’un saltimbanque… Ce hibou solennel, ces marionnettes mystérieuses n’ajoutaient donc aucun sens nouveau à l’idée cheval ? En tant que simple cheval, en quoi augmentent-elles son mérite ? Il fallait évidemment intituler cet ouvrage : Cheval de saltimbanque, en l’absence du saltimbanque, qui est allé tirer les cartes et boire un coup dans un cabaret supposé du voisinage ! Voilà le vrai titre !

MM. Carrier, Oliva et Prouha sont plus modestes que M. Frémiet et moi ; ils se contentent d’étonner par la souplesse et l’habileté de leur art. Tous les trois, avec des facultés plus ou moins tendues, ont une visible sympathie pour la sculpture vivante du dix-huitième et du dix-septième siècle. Ils ont aimé et étudié Caffieri, Puget, Coustou, Houdon, Pigalle, Francin. Depuis longtemps les vrais amateurs ont admiré les bustes de M. Oliva, vigoureusement modelés, où la vie respire, où le regard même étincelle. Celui qui représente le Général Bizot est un des bustes les plus militaires que j’aie vus. M. de Mercey est un chef-d’œuvre de finesse. Tout le