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a-t-il voulu représenter l’affaiblissement, l’épuisement d’une femme qui n’a pas connu d’autre nourriture que le gland des chênes, et a-t-il pris l’antique et forte Gaule pour la femelle décrépite d’un Papou ? Cherchons une explication moins ambitieuse, et croyons simplement qu’ayant entendu répéter fréquemment qu’il fallait copier fidèlement le modèle, et n’étant pas doué de la clairvoyance nécessaire pour en choisir un beau, il a copié le plus laid de tous avec une parfaite dévotion. Cette statue a trouvé des éloges, sans doute pour son œil de Velléda d’album lancé à l’horizon. Cela ne m’étonne pas.

Voulez-vous contempler encore une fois, mais sous une autre forme, le contraire de la sculpture ? Regardez ces deux petits mondes dramatiques inventés par M. Butté et qui représentent, je crois, la Tour de Babel et le Déluge. Mais le sujet importe peu, d’ailleurs, quand par sa nature ou par la manière dont il est traité l’essence même de l’art se trouve détruite. Ce monde lilliputien, ces processions en miniature, ces petites foules serpentant dans des quartiers de roche, font penser à la fois aux plans en relief du Musée de marine, aux pendules-tableaux à musique et aux paysages avec forteresse, pont-levis et garde montante, qui se font voir chez les pâtissiers et les marchands de joujoux. Il m’est extrêmement désagréable d’écrire de pareilles choses, surtout quand il s’agit d’œuvres où d’ailleurs on trouve de l’imagination et de l’ingéniosité, et, si j’en parle, c’est parce qu’elles servent à