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presque toujours méconnu, et le joli, le minutieux, complaisamment substitués au grand.

Nous avons le goût de facile composition, et notre dilettantisme peut s’accommoder tour à tour de toutes les grandeurs et de toutes les coquetteries. Nous savons aimer l’art mystérieux et sacerdotal de l’Egypte et de Ninive, l’art de la Grèce, charmant et raisonnable à la fois, l’art de Michel-Ange, précis comme une science, prodigieux comme le rêve, l’habileté du dix-huitième siècle, qui est la fougue dans la vérité ; mais dans ces différents modes de la sculpture il y a la puissance d’expression et la richesse de sentiment, résultat inévitable d’une imagination profonde qui chez nous maintenant fait trop souvent défaut. On ne trouvera donc pas surprenant que je sois bref dans l’examen des œuvres de cette année. Rien n’est plus doux que d’admirer, rien n’est plus désagréable que de critiquer. La grande faculté, la principale, ne brille que comme les images des patriotes romains, par son absence. C’est donc ici le cas de remercier M. Franceschi pour son Andromède. Cette figure, généralement remarquée, a suscité quelques critiques selon nous trop faciles. Elle a cet immense mérite d’être poétique, excitante et noble. On a dit que c’était un plagiat, et que M. Franceschi avait simplement mis debout une figure couchée de Michel-Ange. Cela n’est pas vrai. La langueur de ces formes menues quoique grandes, l’élégance paradoxale de ces membres est bien le fait d’un auteur moderne. Mais quand même il aurait emprunté