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cession de croquis, une merveilleuse intelligence de la grimace humaine. On n’entendra pas, je présume, le mot dans un sens désagréable. Je veux parler de la grimace naturelle et professionnelle qui appartient à chacun.

M. Chaplin et M. Besson savent faire des portraits. Le premier ne nous a rien montré en ce genre cette année ; mais les amateurs qui suivent attentivement les expositions, et qui savent à quelles œuvres antécédentes de cet artiste je fais allusion, en ont comme moi éprouvé du regret. Le second, qui est un fort bon peintre, a de plus toutes les qualités littéraires et tout l’esprit nécessaire pour représenter dignement des comédiennes. Plus d’une fois, en considérant les portraits vivants et lumineux de M. Besson, je me suis pris à songer à toute la grâce et à toute l’application que les artistes du dix-huitième siècle mettaient dans les images qu’ils nous ont léguées de leurs étoiles préférées.

À différentes époques, divers portraitistes ont obtenu la vogue, les uns par leurs qualités et d’autres par leurs défauts. Le public, qui aime passionnément sa propre image, n’aime pas à demi l’artiste auquel il donne plus volontiers commission de la représenter. Parmi tous ceux qui ont su arracher cette faveur, celui qui m’a paru la mériter le mieux, parce qu’il est toujours resté un franc et véritable artiste, est M. Ricard. On a vu quelquefois dans sa peinture un manque de solidité ; on lui a reproché, avec exagération, son goût pour Van Dyck, Rembrandt et Titien, sa grâce quel-