ils donc élevés à la dignité de Dioscures ? Faut-il, pour jouir de l’un, que nous soyons privés de l’autre ? M. Liès s’est présenté, cette année, sans son Pollux ; M. Leys nous refera-t-il visite sans Castor ? Cette comparaison est d’autant plus légitime que M. Leys a été, je crois, le maître de son ami, et que c’est aussi Pollux qui voulut céder à son frère la moitié de son immortalité. Les Maux de la guerre ! quel titre ! Le prisonnier vaincu, lanciné par le brutal vainqueur qui le suit, les paquets de butin en désordre, les filles insultées, tout un monde ensanglanté, malheureux et abattu, le reître puissant, roux et velu, la gouge qui, je crois, n’est pas là, mais qui pouvait y être, cette fille peinte du moyen âge, qui suivait les soldats avec l’autorisation du prince et de l’Eglise, comme la courtisane du Canada accompagnait les guerriers au manteau de castor, les charrettes qui cahotent durement les faibles, les petits et les infirmes, tout cela devait nécessairement produire un tableau saisissant, vraiment poétique. L’esprit se porte tout d’abord vers Callot ; mais je crois n’avoir rien vu, dans la longue série de ses œuvres, qui soit plus dramatiquement composé. J’ai cependant deux reproches à faire à M. Liès : la lumière est trop généralement répandue, ou plutôt éparpillée ; la couleur, monotonement claire, papillote. En second lieu, la première impression que l’œil reçoit fatalement en tombant sur ce tableau est l’impression désagréable, inquiétante d’un treillage. M. Liès a cerclé de noir, non seulement le contour général de ses figures, mais encore toutes
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