flart d’avoir traité ces poétiques sujets héroïquement et dramatiquement, et d’avoir rejeté bien loin toutes les fadaises de la mélancolie apprise. Le bon Ary Scheffer, qui refaisait sans cesse un Christ semblable à son Faust et un Faust semblable à son Christ, tous deux semblables à un pianiste prêt à épancher sur les touches d’ivoire ses tristesses incomprises, aurait eu besoin de voir ces deux vigoureux dessins pour comprendre qu’il n’est permis de traduire les poëtes que quand on sent en soi une énergie égale à la leur. Je ne crois pas que le solide crayon qui a dessiné ce sabbat et cette tuerie s’abandonne jamais à la niaise mélancolie des demoiselles.
Parmi les jeunes célébrités, l’une des plus solidement établies est celle de M. Fromentin. Il n’est précisément ni un paysagiste ni un peintre de genre. Ces deux terrains sont trop restreints pour contenir sa large et souple fantaisie. Si je disais de lui qu’il est un conteur de voyages, je ne dirais pas assez, car il y a beaucoup de voyageurs sans poésie et sans âme, et son âme est une des plus poétiques et des plus précieuses que je connaisse. Sa peinture proprement dite, sage, puissante, bien gouvernée, procède évidemment d’Eugène Delacroix. Chez lui aussi on retrouve cette savante et naturelle intelligence de la couleur, si rare parmi nous. Mais la lumière et la chaleur, qui jettent dans quelques cerveaux une espèce de folie tropicale, les agitent d’une fureur inapaisable et les poussent à des danses inconnues, ne versent dans son âme qu’une