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bitent. Elle est la première chose venue interprétée par le premier venu ; et, si celui-là n’a pas l’âme qui jette une lumière magique et surnaturelle sur l’obscurité naturelle des choses, elle est une inutilité horrible, elle est la première venue souillée par le premier venu. Ici donc, plus d’analogie, sinon de hasard ; mais au contraire trouble et contraste, un champ bariolé par l’absence d’une culture régulière.

En passant, nous pouvons jeter un regard d’admiration et presque de regret sur les charmantes productions de quelques hommes qui, dans l’époque de noble renaissance dont j’ai parlé au début de ce travail, représentaient le joli, le précieux, le délicieux, Eugène Lami qui, à travers ses paradoxaux petits personnages, nous fait voir un monde et un goût disparus, et Wattier, ce savant qui a tant aimé Watteau. Cette époque était si belle et si féconde, que les artistes en ce temps-là n’oubliaient aucun besoin de l’esprit. Pendant qu’Eugène Delacroix et Devéria créaient le grand et le pittoresque, d’autres, spirituels et nobles dans la petitesse, peintres du boudoir et de la beauté légère, augmentaient incessamment l’album actuel de l’élégance idéale. Cette renaissance était grande en tout, dans l’héroïque et dans la vignette. Dans de plus fortes proportions aujourd’hui, M. Chaplin, excellent peintre d’ailleurs, continue quelquefois, mais avec un peu de lourdeur, ce culte du joli ; cela sent moins le monde et un peu plus l’atelier. M. Nanteuil est un des plus nobles, des plus assidus producteurs qui honorent la