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vieilleries gothiques ou religieuses, un talent très-roué et très-décoratif.

ACHILLE DEVÉRIA

Voilà un beau nom, voilà un noble et vrai artiste à notre sens.

Les critiques et les journalistes se sont donné le mot pour entonner un charitable De profundis sur le défunt talent de M. Eugène Devéria, et chaque fois qu’il prend à cette vieille gloire romantique la fantaisie de se montrer au jour, ils l’ensevelissent dévotement dans la Naissance de Henri IV, et brûlent quelques cierges en l’honneur de cette ruine. C’est bien, cela prouve que ces messieurs aiment le beau consciencieusement ; cela fait honneur à leur cœur. Mais d’où vient que nul ne songe à jeter quelques fleurs sincères et à tresser quelques loyaux articles en faveur de M. Achille Devéria ? Quelle ingratitude !

Pendant de longues années, M. Achille Devéria a puisé, pour notre plaisir, dans son inépuisable fécondité, de ravissantes vignettes, de charmants petits tableaux d’intérieur, de gracieuses scènes de la vie élégante, comme nul keepsake, malgré les prétentions des réputations nouvelles, n’en a depuis édité. Il savait colorer la pierre lithographique ; tous ses dessins étaient pleins de charmes, distingués, et respiraient je ne sais quelle rêverie amène. Toutes ses femmes coquettes et doucement sensuelles étaient les idéalisations de celles que l’on avait vues et désirées