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Il est évident que, d’après les notions que je viens d’élucider tant bien que mal (il y aurait encore tant de choses à dire, particulièrement sur les parties concordantes de tous les arts et les ressemblances dans leurs méthodes !), l’immense classe des artistes, c’est-à-dire des hommes qui se sont voués à l’expression de l’art, peut se diviser en deux camps bien distincts : celui-ci, qui s’appelle lui-même réaliste, mot à double entente et dont le sens n’est pas bien déterminé, et que nous appellerons, pour mieux caractériser son erreur, un positiviste, dit : « Je veux représenter les choses telles qu’elles sont, ou bien qu’elles seraient, en supposant que je n’existe pas. » L’univers sans l’homme. Et celui-là, l’imaginatif, dit : « Je veux illuminer les choses avec mon esprit et en projeter le reflet sur les autres esprits. » Bien que ces deux méthodes absolument contraires puissent agrandir ou amoindrir tous les sujets, depuis la scène religieuse jusqu’au plus modeste paysage, toutefois l’homme d’imagination a dû généralement se produire dans la peinture religieuse et dans la fantaisie, tandis que la peinture dite de genre et le paysage devaient offrir en apparence de vastes ressources aux esprits paresseux et difficilement excitables.

Outre les imaginatifs et les soi disant réalistes, il y a encore une classe d’hommes, timides et obéissants, qui mettent tout leur orgueil à obéir à un code de fausse dignité. Pendant que ceux-ci croient représenter la nature et que ceux-là veulent peindre leur âme,