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fonction beaucoup plus élevée, et qui, en tant que l’homme est fait à la ressemblance de Dieu, garde un rapport éloigné avec cette puissance sublime par laquelle le Créateur conçoit, crée et entretient son univers. » Je ne suis pas du tout honteux, mais au contraire très-heureux de m’être rencontré avec cette excellente Mme Crowe, de qui j’ai toujours admiré la faculté de croire, aussi développée en elle que chez d’autres la défiance.

Je disais que j’avais entendu, il y a longtemps déjà, un homme vraiment savant et profond dans son art exprimer sur ce sujet les idées les plus vastes et cependant les plus simples. Quand je le vis pour la première fois, je n’avais pas d’autre expérience que celle que donne un amour excessif ni d’autre raisonnement que l’instinct. Il est vrai que cet amour et cet instinct étaient passablement vifs ; car, très-jeunes, mes yeux remplis d’images peintes ou gravées n’avaient jamais pu se rassasier, et je crois que les mondes pourraient finir, impavidum ferient, avant que je devienne iconoclaste. Evidemment il voulut être plein d’indulgence et de complaisance ; car nous causâmes tout d’abord de lieux communs, c’est-à-dire des questions les plus vastes et les plus profondes. Ainsi, de la nature, par exemple. « La nature n’est qu’un dictionnaire", répétait-il fréquemment. Pour bien comprendre l’étendue du sens impliqué dans cette phrase, il faut se figurer les usages nombreux et ordinaires du dictionnaire. On y cherche le sens des mots, la génération des mots,