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profond et philosophique, le titre trompeur, ou titre à piège, dans le genre de Brutus, lâche César ! « Ô race incrédule et dépravée ! dit Notre-Seigneur, jusques à quand serai-je avec vous ? jusques à quand souffrirai-je ? » Cette race, en effet, artistes et public, a si peu foi dans la peinture, qu’elle cherche sans cesse à la déguiser et à l’envelopper comme une médecine désagréable dans des capsules de sucre ; et quel sucre, grand Dieu ! Je vous signalerai deux titres de tableaux que d’ailleurs je n’ai pas vus : Amour et Gibelotte ! Comme la curiosité se trouve tout de suite en appétit, n’est-ce pas ? Je cherche à combiner intimement ces deux idées, l’idée de l’amour et l’idée d’un lapin dépouillé et arrangé en ragoût. Je ne puis vraiment pas supposer que l’imagination du peintre soit allée jusqu’à adapter un carquois, des ailes et un bandeau sur le cadavre d’un animal domestique ; l’allégorie serait vraiment trop obscure. Je crois plutôt que le titre a été composé suivant la recette de Misanthropie et Repentir. Le vrai titre serait donc : Personnes amoureuses mangeant une gibelotte. Maintenant, sont-ils jeunes ou vieux, un ouvrier et une grisette, ou bien un invalide et une vagabonde sous une tonnelle poudreuse ? Il faudrait avoir vu le tableau. — Monarchique, catholique et soldat ! Celui-ci est dans le genre noble, le genre paladin, Itinéraire de Paris à Jérusalem (Chateaubriand, pardon ! les choses les plus nobles peuvent devenir des moyens de caricature, et les paroles politiques d’un chef d’empire des pétards de rapin). Ce tableau