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geant au pied des autels. — Pourquoi a-t-on si bien caché cette esquisse ? M. Cogniet, l’un des ordonnateurs de cette fête, en veut-il donc à son vénérable maître ?

Hippocrate refusant les présents d’Artaxerce, de Girodet, est revenu de l’École de médecine faire admirer sa superbe ordonnance, son fini excellent et ses détails spirituels. Il y a dans ce tableau, chose curieuse, des qualités particulières et une multiplicité d’intentions qui rappellent, dans un autre système d’exécution, les très-bonnes toiles de M. Robert-Fleury. Nous eussions aimé voir à l’exposition Bonne-Nouvelle quelques compositions de Girodet, qui eussent bien exprimé le côté essentiellement poétique de son talent. (Voir l’Endymion et l’Atala.) Girodet a traduit Anacréon, et son pinceau a toujours trempé aux sources les plus littéraires.

Le baron Gérard fut dans les arts ce qu’il était dans son salon, l’amphitryon qui veut plaire à tout le monde, et c’est cet éclectisme courtisanesque qui l’a perdu. David, Guérin et Girodet sont restés, débris inébranlables et invulnérables de cette grande école, et Gérard n’a laissé que la réputation d’un homme aimable et très-spirituel. Du reste, c’est lui qui a annoncé la venue d’Eugène Delacroix et qui a dit : « Un peintre nous est né ! C’est un homme qui court sur les toits. »

Gros et Géricault, sans posséder la finesse, la délicatesse, la raison souveraine ou l’âpreté sévère de leurs devanciers, furent de généreux tempéraments. Il y a là une esquisse de Gros, le Roi Lear et ses Filles, qui est