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moderne, trop encline, comme tous nos arts, à se contenter de l’imitation des anciens.

Tout ce que je pourrais dire de plus sur les idéals me paraît inclus dans un chapitre de Stendhal, dont le titre est aussi clair qu’insolent :

« COMMENT L’EMPORTER SUR RAPHAËL ?

« Dans les scènes touchantes produites par les passions, le grand peintre des temps modernes, si jamais il paraît, donnera à chacune de ses personnes la beauté idéale tirée du tempérament fait pour sentir le plus vivement l’effet de cette passion.

« Werther ne sera pas indifféremment sanguin ou mélancolique ; Lovelace, flegmatique ou bilieux. Le bon curé Primerose, l’aimable Cassio n’auront pas le tempérament bilieux ; mais le juif Shylock, mais le sombre Iago, mais lady Macbeth, mais Richard III ; l’aimable et pure Imogène sera un peu flegmatique.

« D’après ses premières observations, l’artiste a fait l’Apollon du Belvédère. Mais se réduira-t-il à donner froidement des copies de l’Apollon toutes les fois qu’il voudra présenter un dieu jeune et beau ? Non, il mettra un rapport entre l’action et le genre de beauté. Apollon, délivrant la terre du serpent Python, sera plus fort ; Apollon, cherchant à plaire à Daphné, aura des traits plus délicats[1]. »

  1. Histoire de la Peinture en Italie, ch. ci. Cela s’imprimait en 1817 !