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idéal dont je parlais, compensée par bien d’autres où l’amour n’apparaîtrait que sous sa forme la plus délicate.

Ces réflexions me sont revenues à propos de deux tableaux de M. Tassaert, Érigone et le Marchand d’esclaves.

M. Tassaert, dont j’ai eu le tort grave de ne pas assez parler l’an passé, est un peintre du plus grand mérite, et dont le talent s’appliquerait le plus heureusement aux sujets amoureux.

Érigone est à moitié couchée sur un tertre ombragé de vignes, — dans une pose provocante, une jambe presque repliée, l’autre tendue et le corps chassé en avant ; le dessin est fin, les lignes onduleuses et combinées d’une manière savante. Je reprocherai cependant à M. Tassaert, qui est coloriste, d’avoir peint ce torse avec un ton trop uniforme.

L’autre tableau représente un marché de femmes qui attendent des acheteurs. Ce sont de vraies femmes, des femmes civilisées, aux pieds rougis par la chaussure, un peu communes, un peu trop roses, qu’un Turc bête et sensuel va acheter pour des beautés superfines. Celle qui est vue de dos, et dont les fesses sont enveloppées dans une gaze transparente, a encore sur la tête un bonnet de modiste, un bonnet acheté rue Vivienne ou au Temple. La pauvre fille a sans doute été enlevée par les pirates.

    sexus sub altero sexu. Corruperat omnis caro viam suam. - Meursius.