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leur domaine, bien qu’ils se passent volontiers de la nature, sans en avoir acquis le droit par les études courageuses du maître.

On a remarqué cette année l’absence de M. Planet, dont la Sainte Thérèse avait au dernier Salon attiré les yeux des connaisseurs, — et de M. Riesener, qui a souvent fait des tableaux d’une large couleur, et dont on peut voir avec plaisir quelques bons plafonds à la Chambre des pairs, malgré le voisinage terrible de Delacroix.

M. Léger Chérelle a envoyé le Martyre de sainte Irène. Le tableau est composé d’une seule figure et d’une pique qui est d’un effet assez désagréable. Du reste, la couleur et le modelé du torse sont généralement bons. Mais il me semble que M. Léger Chérelle a déjà montré au public ce tableau avec de légères variantes.

Ce qu’il y a d’assez singulier dans la Mort de Cléopâtre, par M. Lassale-Bordes, c’est qu’on n’y trouve pas une préoccupation unique de la couleur, et c’est peut-être un mérite. Les tons sont, pour ainsi dire, équivoques, et cette amertume n’est pas dénuée de charmes.

Cléopâtre expire sur son trône, et l’envoyé d’Octave se penche pour la contempler. Une de ses servantes vient de mourir à ses pieds. La composition ne manque pas de majesté, et la peinture est accomplie avec une bonhomie assez audacieuse ; la tête de Cléopâtre est belle, et l’ajustement vert et rose de la négresse tranche heureusement avec la couleur de sa peau. Il y a