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par le milieu du corps. Dans cette étreinte violente de l’adieu, Juliette, les mains posées sur les épaules de son amant, rejette la tête en arrière, comme pour respirer, ou par un mouvement d’orgueil et de passion joyeuse. Cette attitude insolite, — car presque tous les peintres collent les bouches des amoureux l’une contre l’autre, — est néanmoins fort naturelle ; — ce mouvement vigoureux de la nuque est particulier aux chiens et aux chats heureux d’être caressés. — Les vapeurs violacées du crépuscule enveloppent cette scène et le paysage romantique qui la complète.

Le succès général qu’obtient ce tableau et la curiosité qu’il inspire prouvent bien ce que j’ai déjà dit ailleurs, — que Delacroix est populaire, quoi qu’en disent les peintres, et qu’il suffira de ne pas éloigner le public de ses œuvres, pour qu’il le soit autant que les peintres inférieurs.

Marguerite à l’église appartient à cette classe déjà nombreuse de charmants tableaux de genre, par lesquels Delacroix semble vouloir expliquer au public ses lithographies si amèrement critiquées.

Ce lion peint à l’aquarelle a pour moi un grand mérite, outre la beauté du dessin et de l’attitude : c’est qu’il est fait avec une grande bonhomie. L’aquarelle est réduite à son rôle modeste, et ne veut pas se faire aussi grosse que l’huile.

Il me reste, pour compléter cette analyse, à noter une dernière qualité chez Delacroix, la plus remarquable de toutes, et qui fait de lui le vrai peintre du