gazons ; des montagnes bleues ou ceintes de bois font un horizon à souhait pour le plaisir des yeux. Quant au ciel, il est bleu et blanc, chose étonnante chez Delacroix ; les nuages, délayés et tirés en sens divers comme une gaze qui se déchire, sont d’une grande légèreté ; et cette voûte d’azur, profonde et lumineuse, fuit à une prodigieuse hauteur. Les aquarelles de Bonington sont moins transparentes.
Ce chef-d’œuvre, qui, selon moi, est supérieur aux meilleurs Véronèse, a besoin, pour être bien compris, d’une grande quiétude d’esprit et d’un jour très-doux. Malheureusement, le jour éclatant qui se précipitera par la grande fenêtre de la façade, sitôt qu’elle sera délivrée des toiles et des échafauds, rendra ce travail plus difficile.
Cette année-ci, les tableaux de Delacroix sont l’Enlèvement de Rébecca, tiré d’Ivanhoé, les Adieux de Roméo et de Juliette, Marguerite à l’église, et un Lion, à l’aquarelle.
Ce qu’il y a d’admirable dans l’Enlèvement de Rébecca, c’est une parfaite ordonnance de tons, tons intenses, pressés, serrés et logiques, d’où résulte un aspect saisissant. Dans presque tous les peintres qui ne sont pas coloristes, on remarque toujours des vides, c’est-à-dire de grands trous produits par des tons qui ne sont pas de niveau, pour ainsi dire ; la peinture de Delacroix est comme la nature, elle a horreur du vide.
Roméo et Juliette, — sur le balcon, — dans les froides clartés du matin, se tiennent religieusement embrassés